En période de confinement, la disponibilité des matériaux et l’accès à un atelier se font plus difficiles. L’artiste Valérie Vaubourg s’est ainsi tournée vers ce qu’elle avait sous la main, des verres à vin. Compagnons privilégiés, objets à briser ou matière à penser, les verres à vin et leurs formes variées sont des objets familiers et quotidiens. La fragilité de leur constitution, ou les accès de colère des scènes quotidiennes, en font des objets à la vie souvent courte. Ils sont artificiels, nés de la main de l’homme et distribués en grande quantité, mais ne semblentpas armés face au temps. Ils doivent être « raccommodés ».
Comme dans un cimetière des objets cassés, témoins des épisodes de vie de chacun, les verres à vin de Valérie Vaubourg font l’objet de « raccommodages » qui complètent, re- mettent en forme mais n’effacent pas la trace de la blessure. Ici les raccommodages semblent être faits avec de la dentelle qui leur donne un aspect encore plus vulnérable.
De façon poétique, les squelettes de feuilles viennent en effet délicatement panser les ex- trémités tranchantes du verre. L’aspect lourd, blessant et immuable du verre contraste avec la finesse et la légèreté de la feuille, déjà morte et en pleine décomposition. Le squelette de la feuille nous rend visible l’intérieur et la fragilité des tiges qui le supportent. A terme, seul le verre perdurera et sa rencontre avec cet élément naturel ne sera qu’un souvenir. La matière organique tend à réparer, consolider. A la manière de la chrysalide d’un papillon, la matièreorganique englobe, panse, pour créer la vie et la nouveauté.
Les verres à vin encore bien structurés et reconnaissables prennent alors au fur et à mesure de l’installation une apparence différente. Bientôt, c’est le squelette de feuille qui est le plus présent et qui englobe petit à petit les morceaux de verre qui s’élancent. Comme en suspen- sion, les feuilles volent et ne se laissent pas retenir par les éclats de verre qui pourraient les maintenir au sol. Comme pour présager la fin de l’empreinte de l’être humain sur Terre, les objets que nous créons perdurent mais n’empêchent pas les processus et les cycles naturels de retrouver leur place et de prendre le dessus. Quand bien même les feuilles mortes disparaîtront avant le verre, leur vie régénérée ne trouve pas de fin.